Le Siège de Montmédy en 1870

Récit de Mickaël Mathieu

En 1870, lorsque la France déclare la guerre à la Prusse, Montmédy est une place forte aux fortifications anciennes et à l’armement insuffisant. De plus, elle voit sa garnison, commandée par le capitaine Louis Claude Reboul, monter à plus de 2000 hommes alors qu’elle n’était pas prévue pour cela. Bien qu’illustrant l’impréparation de l’armée française lors de la guerre de 1870, Montmédy a pourtant résisté aux troupes allemandes pendant plus de 3 mois.

Pourquoi Montmédy est-elle assiégée en 1870 ?

Le siège de Montmédy est une conséquence de la bataille de Sedan. À défaut de voir la venue l’armée de Châlons du maréchal Patrice de Mac-Mahon, Montmédy voit arriver dès le 2 septembre un parlementaire prussien qui demande au capitaine Reboul la reddition de la place forte sous la menace d’un bombardement, ce que refuse le commandant français. Le lendemain, un autre parlementaire, le lieutenant von Jagow, redemande la capitulation de Montmédy, à nouveau rejetée par Reboul, et en profite pour annoncer la défaite française à Sedan et la capture de Napoléon III. Les Prussiens veulent s’emparer de la place forte afin de contrôler la ligne ferroviaire des Ardennes, mais aussi les routes de Sedan à Metz, et de Luxembourg à Paris. Montmédy s’apprête donc à vivre un nouveau siège après ceux de 1542, 1552, 1657 et 1815.

Le bombardement du 5 septembre

Le prince Kraft de Hohenlohe-Ingelfingen reçoit l’ordre de bombarder Montmédy afin de s’en emparer. Le 5 septembre, il est 9h30 lorsque commence le premier bombardement prussien contre la place forte. Les tirs allemands atteignent surtout la ville haute et les incendies s’y déclarent rapidement, alors que les artilleurs français ne peuvent riposter qu’avec 2 canons. Les troupes d’infanterie restent à l’abri, tandis que la population montmédienne, affolée, cherche des lieux de refuge. Malgré une pause dans le bombardement en milieu de journée et l’envoi d’une nouvelle demande de capitulation à Reboul, les obus tombent à nouveau sur Montmédy dès 13h30. Sous ce feu intense, la garnison lutte contre les flammes qui causent la destruction de l’hôtel de ville et de la Sous-Préfecture. Vers 16 heures, le bombardement cesse car les canons prussiens, après avoir envoyé 3800 à 4000 obus, sont à court de munitions. Mais les fortifications de Montmédy ont tenu le choc et la garnison ne compte que 7 morts et une quinzaine de blessés. Du côté adverse, les objectifs allemands se tournant désormais sur Paris, le prince de Hohenlohe-Ingelfingen et ses troupes reçoivent l’ordre de partir en direction de la capitale.

Premier bombardement de la citadelle ; coll Cedric Spagnoli
Premier bombardement de la citadelle ; coll Cedric Spagnoli

Les sorties françaises

Dans les jours suivant le bombardement du 5 septembre, Montmédy voit arriver entre 700 et 1000 soldats français capturés suite à la bataille de Sedan et qui ont pu s’évader. Grâce à ces renforts, le capitaine Reboul peut envoyer ses troupes faire des reconnaissances dans un rayon de 5 à 10 kilomètres autour de la place. Ces sorties quotidiennes ont duré pendant presque l’intégralité du siège. Les premières ont servi à repérer les positions allemandes et à perturber leurs communications. C’est ainsi que les soldats montmédiens font exploser le viaduc et le tunnel ferroviaire de Tivoli, coupant ainsi la voie ferrée sur près de 2 kilomètres et détruisent régulièrement le fil télégraphique utilisé par les Prussiens entre Stenay et Chauvency-le-Château.

Le 17 septembre, un détachement commandé par le lieutenant Pillière attaque une compagnie du 53e Landwehr sur la route de Baalon à Damvillers, capturant 33 militaires allemands. C’est le premier coup de main réussi par la garnison française pendant le siège de Montmédy ! Les reconnaissances permettent aux défenseurs français d’apprendre que Stenay abrite un commandement d’étapes et que cette ville n’est tenue que par un faible contingent. Reboul ordonne à un détachement de 200 à 300 hommes, commandés par le lieutenant Camiade, de s’y rendre au cours de la nuit du 10 au 11 octobre. Le brouillard favorise leur approche et la surprise est totale pour les occupants allemands. Après une brève résistance, presque tous se retrouvent acculés sur la place centrale de la ville. Cette attaque permet la capture de près de 200 soldats allemands dont le commandant d’étapes, le lieutenant-colonel von Buttlar. Les Français mettent aussi la main sur une quantité importante de fusils, de matériel et de chevaux, qu’ils ramènent le matin même avec les prisonniers à Montmédy.

L’étau prussien se resserre

La place forte de Montmédy est mise sous les ordres du commandant Pierre Charles Tessier à partir du 28 octobre. Mais cette date coïncide aussi avec la capitulation de Metz qui a des conséquences sur le siège de Montmédy. En effet, cela a libéré plusieurs unités allemandes, et un détachement mixte de troupes issues des 13e et 14e divisions, commandé par le lieutenant-colonel August von Pannwitz, est envoyé vers Montmédy afin de préparer sa conquête. Il commence par répartir ses forces afin de tenir tous les axes desservant la place forte. Constatant les mouvements allemands, Tessier continue d’envoyer ses troupes en reconnaissance. Mais le 16 novembre 1870 un combat sérieux s’engage entre les fantassins français et des soldats du 74e Infanterie-Regiment, bien installés sur le plateau de Géronvaux et plus nombreux. L’envoi de renforts et quelques tirs des canons de la place permettent aux compagnies françaises engagées de revenir à Montmédy, mais en comptant la perte de 85 hommes. Cet affrontement, dit « combat de Géronvaux », marque le tournant du siège en faveur des Prussiens.

Malgré un dernier coup de main réussi le 24 novembre par des soldats montmédiens à Vigneul-sous-Montmédy, la chute de Thionville ce même jour libère le reste de la 14e division allemande et l’artillerie lourde employée lors de ce siège qui sont ensuite acheminées vers Montmédy. Le 4 décembre, c’est le général Georg von Kameke, commandant de la 14e division, qui prend la tête des troupes allemandes engagées dans le siège de Montmédy. Il ordonne la construction de batteries d’artillerie lourde sur les hauteurs autour de la place afin de la bombarder.

Photo du monument de 1870 dans le cimetière de Thonne-les-Prés qui rend hommage aux victimes du combat de Géronvaux. Cl. de l’auteur.

Monument de 1870 Dans le cimetière de Thonne-les-Prés ; Coll de l'auteur
Monument de 1870 dans le cimetière de Thonne-les-Prés ; Coll de l'auteur

La chute de Montmédy

Le 11 décembre, alors que les batteries allemandes sont toutes prêtes, le commandant Tessier rejette une nouvelle demande de capitulation adressée par Kameke.

Le lendemain matin, à 7h30, les pièces d’artillerie des assiégeants ouvrent le feu, causant des dégâts aux fortifications, aux canons français et dans la ville. La riposte des artilleurs montmédiens vers les batteries adverses ne se fait pas attendre. Mais au cours de l’après-midi, un brouillard épais tombe sur la place forte et empêche les canons français de répondre aux tirs allemands. La nuit tombe et les soldats de Montmédy tentent de réparer les dégâts causés par le bombardement. Les défenseurs de la place espèrent que le brouillard se dissipe le lendemain pour pouvoir reprendre la lutte… Mais le matin du 13 décembre, la brume est plus dense, ne permettant pas aux artilleurs de contre-battre les canons allemands qui continuent à frapper la place. Leurs obus lourds endommagent à nouveau les fortifications, atteignant même le mur de la grosse poudrière dans les souterrains qui risque donc d’exploser, et des incendies se déclarent dans la ville : la place de Montmédy vient de montrer ses faiblesses dans un conflit moderne.
Ayant constaté les dégâts, Tessier réunit en fin de journée son conseil de défense qui décide à l’unanimité de capituler. Le commandant de Montmédy envoie ensuite des officiers afin de négocier la capitulation qui est signée à 1 heure du matin. Le 14 décembre, à 13 heures, après 100 jours de siège, la garnison de Montmédy dépose ses armes et part en captivité tandis que les troupes prussiennes entrent dans la place pour n’en repartir que le 28 juillet 1873. Ainsi se terminait le plus long siège subi par la place forte de Montmédy, mais aussi le dernier de son histoire.

Emplacement des batteries prussiennes qui ont bombardé Montmédy les 12 et 13 décembre 1870. Fonds de carte : SHD, Ln 5.
Emplacement des batteries prussiennes qui ont bombardé Montmédy les 12 et 13 décembre 1870. Fonds de carte : SHD, Ln 5.
Montmédy après le second bombardement ; coll Cédric Spagnoli
Montmédy après le second bombardement ; coll Cédric Spagnoli

Mickaël MATHIEU

Bibliographie

• DE LORT-SÉRIGNAN, Arthur, Le blocus de Montmédy en 1870, Paris, La Réunion des Officiers, 1873.
• MATHIEU, Mickaël, « 1870 : le dernier siège de Montmédy », Connaissance de la Meuse, numéro 139, décembre 2020, pages 7 à 12.
• PIERROT, Philogène, SIMON, Niclaus, Siège, bombardements, occupation : Montmédy en 1870-1871, Montmédy, imprimerie de Philogène Pierrot-Caumont, 1873,
• SIMON, Niclaus, Les deux bombardements de Montmédy – Souvenirs d’un témoin oculaire, Paris, Henri Plon, 1872.
• SPAGNOLI, Cédric, Verdun dans la guerre de 70, Haroué, Gérard Louis, 2020.
• SPOHR, Peter, Geschichte der Beobachtung, Einschließung, Belagerung und Beschießung von Montmédy im deutsch-französischen Kriege 1870/71, Berlin, Vossische Buchhandlung, 1877.